Amadou Sanogo
Plasticien
Vit et travaille à Bamako, Mali.
Amadou Sanogo a 30 ans. Il a grandi à Ségou où il a appris la technique du bogolan et s’est installé à la capitale malienne en 1998 pour suivre des études artistiques à l’Institut national des arts.
Amadou n’a pas le profil nonchalant de certains artistes de sa génération, … il bouillonne. Amadou dénonce, s’insurge, pose des questions fondamentales sur l’évolution de son pays, sur les injustices, sur l’art.
Il a passé 5 ans et demi à l’INA où il s’est confronté d’emblée à des concepts d’enseignements trop académiques pour sa perception. Amadou à découvert dans un livre la technique d’un peintre qui peignait avec ses mains directement sur la toile, sans utiliser de pinceau. Il s’est inspiré de cela. Il dit aussi ne pas vouloir encadrer ses œuvres et préfère les entreposer et les exposer de façon brute. Tout cela faisait de lui un élève indocile dont l’affirmation des idées s’est confrontée à l’incompréhension du corps professoral.
Grace à internet il s’est intéressé au peintre Kandinsky dont il admire l’œuvre et la philosophie qu’elle véhicule.
Il a participé à des ateliers d’artistes où il a rencontré des peintres espagnols et le poète-peintre marocain Mohamed Kacimi. Il a alors compris qu’il y a une autre façon de peindre un personnage que par les normes académiques, et que l’art ne peut être uniquement sur un espace mais que derrière cet espace il y a une philosophie. Il encourage les rencontres entre artistes qui amènent la complémentarité, la diversité et la solidarité. « L’avantage de la diversité quand tu rencontres une autre personne, c’est la confrontation entre sa culture et la tienne. Votre union peut provoquer quelque chose, que ce soit positif ou négatif. »
Amadou s’élève contre certains principes de la société malienne qui veulent que l’on ne pose pas de question si un aîné t’impose quelque chose. C’est dit-il ce qui le met parfois à l’écart de ses semblables.
En politique aussi il affirme qu’il ne faut plus continuer à compter sur ses proches pour trouver un travail ou avoir des facilités car cela met l’évolution du pays en péril. « En démocratie c’est le consensus qui devrait l’emporter mais chez nous c’est pas ça. Il y a trop de sectarisme. Je ne veux pas qu’on me mette sous une autorité ou sous une pression. »
En observant le passage d’un vendeur de cadenas dans la rue, Amadou trouve un symbole qui va inspirer ses dernières séries de tableaux.
« Le cadenas est un symbole de fermeture et on est dans un pays soit disant ouvert alors que mentalement on est fermé. Donc je vais travailler sur les critiques du thème national, et même international tel que arrêter de faire couler le sang des innocents. J’ai fait un tableau aussi sur le cadenas qui critique un peu les cinq membres permanents de l’ONU. Leurs propos bidons sur l’embargo, cet embargo auquel je ne comprends rien. La République Démocratique du Congo est sous embargo depuis bientôt cinq ans mais jusqu’à présent les armes continuent à circuler à l’intérieur du pays, les marques américaines, russes et israéliennes. Finalement, l’embargo c’est quoi ? »
Originaire de Ségou, ville riche en parole où se parle le bambara initial pur, Amadou a voulu retenir les proverbes largement utilisés dans le langage quotidien des maliens. Ils apparaissent sous forme de graffitis sur ces tableaux et servent à véhiculer des messages en complément du motif peint.
Amadou Sanogo sort ses toiles de sa chambre dans la cour et peint avec une gestuelle libre sur les toiles posées au sol.
« Mon souhait est d’aller encore plus loin dans la peinture. La direction m’importe peu. Je peins pour m’exprimer, je ne peins pas pour peindre, même si je n’ai pas toujours l’impression d’être compris. Je veux que ma peinture soit une peinture d’expression une œuvre d’exposition et non une œuvre de peinture. »