Conservatoire des arts
Action Douniala
Les grandes écoles d’art n’ont qu’à bien se tenir si elles ne veulent pas que, bienôt, leurs étudiants s’expatrient au Mali !
A la rentrée 2004-2005, un nouveau conservatoire a vu le jour là où on ne l’attendait pas. Il s’agit du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasseké Kouyaté, de Bamako, planté sur la colline de Koulouba qui surplombe la ville.
C’est dans un cadre serein, rareté à Bamako, qu’est formée l’élite artistique du pays.
Un grand bâtiment métalique noir d’architecture moderne se dresse au milieu d’un large espace verdoyant isolé de la ville. Il renferme l’administration du Conservatoire, les salles de conférences, la salle de danse et la cafétéria. C’est la Toguna, comme l’a interprété l’architecte français Jean-Louis Puitvin en référence aux cases à palabres où est rendu la justice dans les villages du Pays Dogon.
Derrière lui à la perpendiculaire, se trouve le grenier jaune vif qui abrite la bibliothèque en court de collecte de livres mais aussi l’espace de documentation avec des ordinateurs équipés d’accès à internet. Cinq imac y sont à la disposition des élèves et professeurs.
Puis, au dos de la toguna, en bleu, le bâtiment des salles de cours, ateliers informatiques (dix postes pc), musicaux, sculpture ainsi que des salles de montage son et vidéo.
Tout le matériel est flambant neuf, les ordinateurs mac comme pc de dernière génération.
Pénetrons maintenant au coeur de la formation qui se trame à l’intérieur de ce cadre unique.
La première particularité du Conservatoire est que les différentes pratiques artistiques se côtoient et se mêlent avec harmonie. L’idée de base, nous explique le directeur et illustre sculpteur Abdoulaye Konate, est de briser les cloisonnements entre les différentes formes d’art. Les élèves se voient proposer les notions de base dans toutes les matières afin d’avoir les moyens de comprendre les autres domaines. Tout est lié et l’on ne peut dissocier les Arts Plastiques, la Musique et la danse.
En cete première année de lancement, l’école comprend trois sections composées chacune de dix élèves. Ils ont tous réussi au très sélectif concourt d’entrée ouvert aux bacheliers ainsi qu’aux sortants de l’INA (Institut National de Arts de Bamako-niveau bac +2). Ces jeunes de moins de trente ans passeront cinq années à suivre une formation académique basée sur la maîtrise des techniques, des pratiques traditionnalistes maliennes et des nouvelles technologies. Une formation complète assurée par la crème des professeurs et professionnels des métiers d’arts venus d’horizons variés. C’est là aussi une singularité du Conservatoire qui affirme les principes d’ouverture et d’échange comme une priorité.
Le Conservatoire, qui fût initié par l’équipe de l’ancien Président de la République du Mali Alpha Oumar Konaré, a établi une convention avec le Gouvernement cubain pour assurer la formation académique classique. Ainsi, sept professeurs à l’accent havanais ont passé une année à Bamako pour transmettre leurs enseignements de piano, harmonie, chant, histoire de la musique et solfège pour la section musique et de scuplture, peinture et dessin pour la section arts plastiques.
En ce qui concerne la danse, les cours de techniques contemporaines sont asurés par Ketly Noël, chorégraphe, danseuse et comédienne haïtienne installée à bamako ; la danse traditionnelle par Kardjigué Laïco Traoré ; les techniques classiques et modernes par la danseuse sénégalaise d’origine malienne Aïssatou Lika Konaté. Chaque matin les élèves danseurs filles et garçons pratiquent quatre heures de danse intensives avec la rigueur nécessaire aux professonnels. Heureusement que l’administration a prévu la climatisation dans cette immense salle vitrée vétue de rideaux noires !
Pour l’approche des matières théoriques les élèves n’auraient pu rêver une équipe plus pointue et passionnée. Le directeur du musée national de Bamako Samuel Sidibé et le directeur adjoint du Conservatoire Mouktari Haïdara proposent une histoire de l’art à laquelle nous aurions tous aimé assister. Alors que Chab Touré bouscule les notions d’esthétiques des élèves, le célèbre photographe Malik Sidibé partage ses regards.
L’approche des instruments traditionnels est assurée par le virtuose de la chora Toumani Diabaté tandis que le chant, accompagné de piano-guitare s’harmonise avec Neylen Yarita-Massambou.
Les techniques Multimédias sont enseignées par les génies du clavier Mamadou Habib Ballo et par le béninois Jean I.T.A. Alain.
Nous ne pouvons citer ici tous les vingt professeurs intervenants mais nous nous devons de saluer leur engagement pour ce grand défi de premier conservatoire des arts du Mali et leur attachement à transmettre leur passion à des étudiants décidément bien chanceux !
Mais ce n’est pas tout. Aux cours permanents il faut ajouter l’accord passé avec l’association de professeurs européens Batons Brûlés qui viennent animer à tour de rôle des ateliers ponctuels. Ils sont enseignants de différentes écoles de Beaux-Arts à travers la France essentiellement et ouvrent les élèves à des ateliers pratiques accès notament sur l’audiovisuel pendant deux semaines. Cette courte durée implique une spontanéité et une réactivité intéressante.
_Bientôt sur ce site des compte-rendus et impressions de l’expérience vécue par certains d’entre eux.
Abdoulaye Konate souhaite également mettre en place un programme d’échange de même type avec d’autres écoles africaines. Il s’agit de tisser une toile entre pays mais aussi entre continents. Il nous dit qu’ainsi les étudiants sont confrontés à différentes positions . Cela leur donne une richesse d’ouverture et les libère d’un enseignement unilatéral avec la philosophie d’un seul professeur. Au bout de cinq ans ils se feront un jugement et auront les outils pour affirmer leur personnalité.
Dans le parc entourant les bâtiments le sculpteur Ky Siriki venu du Burkina Faso avec ses apprentis confectionne une sculpture en bronze et chacun peut voir l’élaboration de plâtre, cire, puis coulure de bronze qui avance quotidiennement. Plus qu’une école, le Conservatoire est un espace de création où se rencontrent les différents artistes confirmés et ceux en devenir.
Tous les éléments se mettent en place pour que ce voyage artistique de mouvements, mélodies et couleurs emmènent nos élèves dans les hautes sphères de la sensibilité et de la réflexion. Nous n’avons qu’ hâte de les voir grandir et de rencontrer les nouveaux élèves qui leur succédront au fil des années. Le Mali semble donc bien déterminé à prendre la place qu’il doit avoir sur la scène internationale artistique et pour cela il se donne les grands moyens que ces enfants méritent.
Bravo à tous ceux qui participent à cet engagement qui tend à imposer les arts comme expression et identité essentielle du pays, résonnant à travers le monde.